Défiscaliser sa transmission d’entreprise avec le Pacte Dutreil

En tant que dirigeant, la question de la transmission de son entreprise ou de sa société peut être difficile à appréhender. En effet, cette question revêt une dimension psychologique non négligeable, notamment car il n’est pas facile d’admettre que son entreprise ou sa société soit gérée par d’autres personnes, même quand il s’agit de ses héritiers.

Pourtant, anticiper cette transmission permet de réduire drastiquement le coût fiscal de l’opération, grâce à des dispositifs fiscaux avantageux tels que le Pacte Dutreil.

Qu’est-ce que le Pacte Dutreil ?

Le dispositif du Pacte Dutreil permet, sous certaines conditions, de bénéficier d’une exonération des droits de mutation à titre gratuit à hauteur de 75% de la valeur des titres de sociétés (article 787 B du CGI) ou d’une entreprise individuelle (article 787 C du CGI), transmis par donation ou par succession.

Ainsi, les droits de donation ou de succession sont calculés uniquement sur la base de 25% de la valeur des titres ou de l’entreprise individuelle.

Lorsque le donateur est âgé de moins de 70 ans et qu’il transmet la pleine propriété des titres de sa société, le ou les donataires bénéficient en sus d’une réduction des droits de donation de 50%.

Prenons l’exemple d’un dirigeant âgé de 63 ans, qui possède 100% du capital d’une société d’une valeur de 500 000 euros et qui souhaite transmettre cette société en pleine propriété à son unique enfant, par donation – étant précisé qu’il ne lui a consenti aucune donation au cours des 15 années précédentes.

 Sans Pacte DutreilAvec Pacte Dutreil
Valeur des titres reçus par donation500 000 €500 000 €
Abattement “Pacte Dutreil”–   €375 000 €
Abattement de droit commun100 000 €100 000 €
Base taxable400 000 €25 000 €
Montant des droits de mutation78 194 €3 194 €
Abattement “Dutreil Pleine propriété”–   €1 597 €
Droits de mutation à régler78 194 €1 597 €

Dans ce cas, le dispositif du Pacte Dutreil permet ainsi une économie d’impôts de 76 597 €.

Comment bénéficier du Pacte Dutreil ?

Aussi avantageux que soit le Pacte Dutreil, il est impératif de vérifier scrupuleusement qu’on remplit les conditions de ce régime ; à défaut, une remise en cause des droits d’exonération par l’administration fiscale peut coûter cher…

Première étape : vérifier l’éligibilité de sa société ou de son entreprise individuelle.

Pour bénéficier du Pacte Dutreil, les entreprises et sociétés doivent exercer une activité opérationnelle, à savoir une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale. Sont ainsi exclues les activités à caractère patrimonial telles que la location de locaux nus et de locaux meublés à usage d’habitation.

Deuxième étape : respecter les engagements propres au Pacte Dutreil.

La mise en place du Pacte Dutreil nécessite de respecter trois conditions, marquées par une durée spécifique (2-4-3) :

  • Un engagement collectif de conservation des titres ou une détention de l’entreprise individuelle d’une durée de 2 ans

S’il s’agit d’une entreprise individuelle, le donateur ou le défunt doit l’avoir détenue depuis au moins deux ans, sauf s’il l’a acquise à titre gratuit ou l’a créée.

S’il s’agit d’une société, le donateur ou le défunt doit prendre l’engagement, pour lui et ses ayants cause, avec d’autres associés, de conserver au moins 17% des droits financiers (ou droits à dividendes attachés aux titres) et 34 % des droits de vote lorsqu’il s’agit d’une société non cotée ; et au moins 10% des droits financiers (ou droits à dividendes attachés aux titres) et 20% des droits de vote lorsqu’il s’agit d’une société cotée. On parle alors d’engagement collectif de conservation.

Il est à noter que depuis la loi de finances 2019, il est admis qu’un associé, qui répond à lui seul aux conditions, puisse s’engager seul dans un engagement collectif unilatéral. Ainsi, les sociétés unipersonnelles peuvent également bénéficier du Pacte Dutreil.

  • Un engagement individuel de conservation des titres ou des biens nécessaires à l’exploitation de l’entreprise individuelle pendant 4 ans

Chaque donataire ou héritier doit s’engager, à titre individuel, dans la déclaration de succession ou l’acte de donation, à conserver les titres de la société ou les biens nécessaires à l’exploitation de l’entreprise individuelle, pendant une durée minimale de 4 ans, à compter de la fin de l’engagement collectif, ou à compter de la transmission dans le cas de l’entreprise individuelle.

  • L’exercice d’une fonction de direction ou de son activité principale pendant 3 ans

L’un des associés signataires de l’engagement collectif de conservation ou l’un des donataires, héritiers ou légataires doit exercer dans la société, pendant la durée de l’engagement collectif et pendant les 3 années qui suivent la date de la transmission, une fonction de direction, ou son activité professionnelle principale, s’il s’agit de sociétés de personnes (article 787 B du CGI), ou l’exploitation de l’entreprise individuelle (article 787 C du CGI).

Foire aux Questions

La donation doit-elle obligatoirement porter sur la pleine propriété des actions de ma société pour bénéficier du dispositif ?

Non, il est également possible de transmettre la nue-propriété des actions de la société tout en bénéficiant de l’exonération Dutreil. On parle alors de donation avec réserve d’usufruit. Au décès du donateur, les enfants nus-propriétaires retrouvent la pleine propriété des titres, en franchise d’impôt.

Toutefois, en cas de donation avec réserve d’usufruit, l’abattement Dutreil s’applique à la valeur de l’usufruit transmis. Par ailleurs, la réduction des droits de 50% ne s’applique pas.

Enfin, il est nécessaire de prévoir dans les statuts de la société que les droits de vote de l’usufruitier seront limités aux décisions concernant l’affectation des bénéfices.

Je détiens les titres de ma société d’exploitation via une holding dont la seule activité est la détention de mon portefeuille de titres. Puis-je tout de même bénéficier du Pacte Dutreil ?

Oui, le dispositif Dutreil peut être applicable si la holding dite « passive » détient directement ou indirectement, par l’intermédiaire d’une société dite « interposée » (dans la limite de deux niveaux d’interpositions), une participation dans une société opérationnelle dont les parts ou actions font l’objet de l’engagement de conservation.

Le cas échéant, l’engagement de conservation est souscrit par la société qui détient directement la participation dans la société opérationnelle

Ce schéma est toutefois moins favorable en termes d’assiette  et plus contraignant.

Dans quels cas puis-je bénéficier de l’engagement « réputé acquis » ?

L’engagement collectif peut être réputé acquis lorsque les conditions suivantes sont remplies :

  • Le défunt ou le donateur détient depuis deux ans au moins le quota de titres requis ;
  • Il exerce la fonction de direction requise ou son activité principale au sein de la société dont les titres sont cédés depuis au moins deux ans.

Si ces conditions sont satisfaites, le pacte Dutreil commence directement avec l’engagement individuel d’une durée de quatre ans.

Il est à noter qu’en la présence d’un engagement réputé acquis, la condition d’exercice des fonctions de direction ne peut être considérée comme remplie lorsque ces fonctions sont exercées par le donateur dès lors qu’il n’a pas souscrit formellement d’engagement auprès de l’administration.

Puis-je continuer tout de même à exercer des fonctions de direction après la donation ?

Oui, l’administration fiscale a précisé à l’occasion d’une mise à jour de sa doctrine le 21 décembre 2021 que la condition d’exercice des fonctions de direction n’empêche pas le donateur ou tout autre associé d’exercer, également, une autre fonction de direction dans la société.

Que se passe-t-il si la société change d’activité au cours des engagements de conservation ?

L’article 8 de la loi de finances rectificative pour 2022 précise que, pour les transmissions réalisées depuis le 18 juillet 2022 (et, dans certains cas, pour les transmissions réalisées avant cette date), la condition d’exercice d’une activité éligible doit être satisfaite à compter de la conclusion de l’engagement collectif et jusqu’au terme de l’engagement individuel de conservation (CGI art. 787 B, c bis nouveau). A défaut, la société risque de perdre le bénéfice de l’exonération Dutreil.

Que doit-on déclarer auprès de l’administration fiscale pour bénéficier du Pacte Dutreil ?

Jusqu’au 31 décembre 2018, la société (durant l’engagement collectif), puis les bénéficiaires de la transmission (durant les engagements individuels) étaient tenus de déposer, auprès du service des impôts compétent, au plus tard le 31 mars de chaque année, une attestation justifiant du respect des conditions de l’exonération partielle.

La loi de finances pour 2019 a allégé les obligations déclaratives, ainsi notamment il n’y a plus d’obligation déclarative annuelle.

Conclusion

Le dispositif du Pacte Dutreil est un outil d’optimisation fiscale des transmissions d’entreprises ou de sociétés particulièrement efficace. Il peut être couplé à d’autres mécanismes de transmission, tels que la donation en nue-propriété, afin d’optimiser davantage la transmission des titres. N’hésitez pas à nous consulter afin qu’on puisse étudier avec vous votre projet de transmission et vous proposer le schéma d’optimisation juridique et fiscale le plus adapté à votre situation.

Par Maître Yanna CABARRUS