Vous proposez un service ou un produit innovant que vous être le seul (ou parmi les rares entreprises dans votre secteur) à pouvoir proposer ? Les collectivités publiques sont dans votre marché cible ?
Vous redoutez les procédures des marchés publics ?
Et si le caractère innovant de votre produit ou service vous permettait de participer à un marché négocié (et donc sans procédure de mise en concurrence préalable) ?
Une possibilité qui est offerte par le décret n° 2018-1225 du 24 décembre 2018, portant diverses mesures relatives aux contrats de la commande publique.
Afin de favoriser l’innovation dans la commande publique, ce décret crée une expérimentation de trois ans, permettant aux acheteurs (les personnes publiques) de passer des marchés négociés sans publicité, ni mise en concurrence préalable, pour leurs achats innovants d’un montant inférieur à 100 000 €.
Quelles sont les conditions pour prétendre à cette procédure spéciale ?
Conditions pour bénéficier
de l’expérimentation
Deux conditions sont posées, par ce décret, pour passer un marché sans publicité ni mise en concurrence dans le cadre de l’expérimentation :
- l’achat doit être innovant,
- le montant du besoin doit être inférieur à 100 000 euros HT.
Il est ainsi possible, pour un acheteur public, de conclure un marché de gré à gré avec une entreprise pour l’acquisition d’une solution innovante, alors même qu’une solution classique pourrait répondre au besoin, ou que plusieurs autres opérateurs économiques pourraient proposer des solutions innovantes alternatives.
1• Un achat innovant
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Qu’est-ce qu’un achat innovant pour l’acheteur public ?
Il s’agit de « travaux, fournitures ou services nouveaux ou sensiblement améliorés » (Article R. 2124-3 2° du Code de la commande publique).
Il est précisé, à ce même article que :« le caractère innovant peut consister dans la mise en œuvre de nouveaux procédés de production ou de construction, d’une nouvelle méthode de commercialisation ou d’une nouvelle méthode organisationnelle dans les pratiques, l’organisation du lieu de travail ou les relations extérieures de l’entreprise ».
Cet achat innovant permet à la personne publique de recourir à la procédure négociée lorsque le besoin consiste en une solution innovante. Il peut donc s’agir non seulement d’une innovation technologique de produit ou de procédé mais aussi d’une innovation de structure, d’organisation ou de commercialisation liée, par exemple, à la numérisation ou à l’interconnexion. La solution peut être déjà disponible sur le marché. En revanche, la production d’un produit personnalisé, dont les caractéristiques ne diffèrent pas sensiblement de ceux des produits déjà fabriqués, ne constituent pas une innovation.
Ainsi, la définition de l’achat innovant reste assez large, ce qui laisse une certaine souplesse d’appréciation aux acheteurs publics, notamment au regard du secteur concerné. Cette définition a été éclairée par un faisceau d’indices proposé dans le Guide pratique de l’achat public innovant de la Direction des Affaires Juridiques (ci-après DAJ) du Ministère de l’Économie et des Finances, chargé d’apporter des précisions sur les règles applicables en la matière.
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Faisceau d’indices permettant de caractériser un achat public innovant
Il est considéré, de façon simplifiée, qu’une innovation correspond à une idée nouvelle, une invention qui a été mise en œuvre et lancée (ou en cours de lancement) sur le marché.
Pour s’assurer du caractère innovant de son achat, l’acheteur public, dans un premier temps, pourra collecter des informations sur le secteur d’activité concerné : état de l’art et de la concurrence, brevets, normes, etc.
Par la suite, l’acheteur pourrait se servir des questions suivantes, proposées par la DAJ du Ministère de l’Économie et des Finances, afin de relever les indices qui caractérisent une solution innovante :
- La solution permet-elle de répondre à un besoin de façon plus performante (en matière de coûts, qualité, délais, aspects environnementaux et/ou sociaux, etc.) ?
- La solution existe-t-elle sur le marché ?
- Est-elle répandue au sein du secteur privé ? Du secteur public ? Depuis combien de temps ?
- Correspond-elle à un nouvel usage d’une solution existante ?
- La solution est-elle brevetée ?
- Faut-il partiellement adapter la solution aux besoins de la personne publique (personnalisation) ?
- Faut-il créer une nouvelle solution, car celle-ci est inexistante sur le marché ?
- Faut-il recourir à de la R&D ?
- Doit-elle faire l’objet uniquement de développements à partir des prescriptions de l’acheteur ?
- De quel type d’innovation s’agit-il (si les premiers éléments d’analyse sont concluants) ?
- S’agit-il d’une innovation de rupture (qui bouleverse le marché) ou d’une innovation incrémentale (= qui améliore l’existant, « sensiblement amélioré ») ?
- S’agit-il d’une innovation de produit (bien ou service), d’usage, de procédé (méthode de production ou de distribution), de commercialisation (conception ou conditionnement ou promotion ou tarification), d’organisation (lieu de travail, relations extérieures de l’entreprise), innovation sociale ?
- S’agit-il d’une innovation « mature », c’est-à-dire en phase de commercialisation, ou plutôt d’industrialisation ? En phase de conception ?
L’accumulation de réponses positives à ces questions permet de mettre en évidence la présence d’une solution innovante.
2• Un besoin de moins de 100 000 euros HT
Ce sont les articles R. 2121-1 et suivants du Code de la commande publique, qui fixe les conditions d’évaluation du montant du besoin pour tout achat public.
Ainsi, si rien n’empêche l’acheteur de passer plusieurs marchés pour acquérir des solutions innovantes différentes destinées à satisfaire à un même besoin, le montant cumulé de ces marchés ne doit pas excéder le seuil de 100 000 euros HT.
Ainsi, dans votre démarche de faire connaître votre produit/service, considéré comme innovant, aux acheteurs publics, inclure la proposition de recourir à la procédure de marché négocié pourrait vous donner un avantage concurrentiel, si vous parvenez à convaincre votre (futur) client public de l’efficacité de votre solution.
LEGALPROTECH AVOCATS peut vous aider à déterminer si oui ou non votre produit ou votre service serait susceptible de bénéficier de cette procédure.
Par Samuel DENIN – Juriste LEGALPROTECH-AVOCATS
(Source : Guide pratique de l’achat innovant par la DAJ du Ministère de l’Économie et des Finances)