Introduction
La gestion financière d’une entreprise doit faire l’objet d’une vigilance particulière pour éviter, voire prévenir l’état de cessation des paiements, synonyme de difficultés financières majeures. Il existe des procédures préventives qui permettent de gérer ces situations de manière proactive et réactive.
A défaut, la procédure de redressement judiciaire pourra constituer une mesure curative dont le but sera, tel que son nom l’indique “de redresser” l’activité de la société.
Les dispositions préventives mises à la disposition des chefs d’entreprises et des associés
Le droit d’alerte des associés
Dans une société avec deux associés ou plus, le droit d’alerte est une procédure préventive qui permet aux associés de signaler des faits de nature à compromettre la continuité de l’exploitation de l’entreprise. (L 223-236 C. commerce, L 225-232, 1855 Code civil).
Ces faits sont graves ou peuvent l’être, mais ne provoquent pas la ruine immédiate de l’entreprise ; en effet, dans cette hypothèse, l’entreprise n’est pas en cessation des paiements, elle peut encore faire face à son passif exigible avec son actif disponible.
Les facteurs de déclenchement peuvent être financiers (situation nette négative, situation de trésorerie négative, défaillance d’un débiteur important …), d’autres facteurs sont liés à l’exploitation de l’entreprise (capacité d’autofinancement négative, perte de marchés importants, sous-activité notable et continue…), une troisième série englobe des faits de nature diverse (grèves importantes et répétées, redressement fiscal majeur, destruction de l’outil de production…).
A cet égard, tout associé peut, deux fois par exercice, poser par écrit des questions au dirigeant sur tout fait de nature à compromettre la continuité de l’exploitation. La réponse du dirigeant est communiquée au commissaire aux comptes, s’il en existe un. Si les réponses ne sont pas satisfaisantes, le commissaire aux comptes peut saisir le président du tribunal de commerce afin qu’il soit envisagé des mesures propres à redresser la situation de la société.
En l’absence de commissaire aux comptes, les associés ne peuvent pas directement suivre la procédure d’alerte telle que prévue par les articles L. 234-1 et suivants du Code de commerce pour saisir le président du tribunal. Toutefois, ils peuvent recourir à d’autres dispositifs juridiques, tels que la demande de nomination d’un mandataire ad hoc ou d’un conciliateur, ou engager une action en justice pour protéger les intérêts de l’entreprise et de ses créanciers (désignation d’un administrateur provisoire par exemple).
La conciliation et le mandat ad hoc, des procédures de règlement amiable confidentielles
La conciliation et le mandat ad hoc sont des procédures confidentielles qui permettent d’ouvrir une période de négociations avec les créanciers pour trouver des solutions amiables aux difficultés financières de l’entreprise (articles L. 611-4 et suivants du Code de commerce).
Le dirigeant de l’entreprise lui-même peut ainsi demander au président du tribunal de commerce la désignation d’un conciliateur ou d’un mandataire ad hoc.
La procédure de mandat ad hoc peut être sollicitée par toute entreprise qui rencontre des difficultés, qu’elles soient financières, économiques ou sociales, mais qui n’est pas encore en cessation des paiements.
La procédure de conciliation quant à elle, est ouverte aux entreprises qui éprouvent des difficultés avérées ou prévisibles, et qui – de la même façon – ne sont pas en cessation des paiements depuis plus de 45 jours.
Ces mesures ont toutes les deux pour objectif de faciliter les négociations entre l’entreprise et ses créanciers, afin de parvenir à un accord amiable.
Ces mesures offrent une alternative aux procédures collectives plus lourdes et plus contraignantes (procédure de sauvegarde ou de redressement) et elles sont confidentielles. Enfin, la conciliation offre une protection juridique plus formelle en cas d’homologation de l’accord, ce qui lui confère une force exécutoire.
Ces procédures confidentielles, permettent de prendre des mesures correctives avant que la situation financière de l’entreprise ne se détériore davantage. Souvent elles prendront la forme d’échéancier conclus avec les créanciers, d’une durée supérieure à ceux qui aurait pu être obtenu devant un juge (supérieure à 2 ans). Elles offrent une première ligne de défense contre les difficultés financières en incitant les dirigeants à agir rapidement, tout en préservant la réputation de la structure. La confidentialité de ces procédures rend difficile leur évaluation statistique. Leur taux de réussite est donc mal connu (certains articles mentionneraient un taux d’environ 70 %).
Pour le chef d’entreprise qui souhaite bénéficier d’un plan de sauvegarde lui permettant d’organiser la restructuration de son entreprise et le règlement de ses dettes sur une période pouvant aller jusqu’à dix ans, il conviendra de se diriger vers l’ouverture d’une procédure de sauvegarde.
La procédure de sauvegarde, une procédure permettant une probabilité de survie plus élevée
La procédure de sauvegarde est l’ultime procédure qui permet tout en évitant l’état de cessation des paiements, de trouver des solutions de sauvegarde de l’activité, et de l’emploi.
En effet, il résulte d’un organisme d’étude, France Stratégie, que les entreprises qui choisissent la procédure de sauvegarde s’en sortent mieux que celles qui entrent en redressement judiciaire.
De facto, les entreprises qui entrent en sauvegarde sont en meilleure santé financière que celles qui entrent en redressement judiciaire. Elles sont ainsi plus de 62 % à obtenir un plan de restructuration de leur dette dans le cadre de la procédure de sauvegarde. Pourtant, en dépit de ces chiffres peu d’entreprises adoptent une démarche proactive et sollicitent l’ouverture d’une procédure de sauvegarde à l’apparition des premières difficultés.
La procédure de sauvegarde est pourtant destinée aux entreprises qui, sans être en cessation des paiements, justifient de difficultés qu’elles ne sont pas en mesure de surmonter.
Bien que la procédure de sauvegarde soit plus formalisée que les précédentes procédures et implique la nomination d’un administrateur judiciaire chargé d’assister le débiteur dans la gestion de l’entreprise, elle permet contrairement aux procédures précédentes de geler les dettes de l’entreprise.
Le gel des dettes dans le cadre d’une procédure de sauvegarde se manifeste par :
- l’interdiction de paiement des créances antérieures,
- l’interdiction faite aux créanciers d’agir en justice à l’encontre de votre entreprise afin d’obtenir le règlement d’une somme d’argent ou la résolution d’un contrat pour défaut de paiement,
- l’arrêt du cours des intérêts légaux et conventionnels, ainsi que de tous intérêts de retard et majorations,
- l’interdiction faite aux créanciers de procéder à de nouvelles inscriptions d’hypothèques, de nantissements et de privilèges sur les biens de votre entreprise,
- ou encore le pouvoir accordé à l’administrateur de poursuivre ou non les contrats en cours lors de l’ouverture de la procédure.
L’entreprise bénéficiera ainsi d’un ensemble de règles dérogatoires du droit commun et protectrices, qui permettront de poursuivre son activité, favoriser l’adoption d’un plan de sauvegarde tout en s’assurant que le passif ne s’aggravera pas.
Afin de permettre à l’entreprise de se réorganiser, un administrateur judiciaire est désigné par le tribunal afin d’accompagner le dirigeant.
Ce dernier n’est là que pour vous assister.
Le principe est en effet que le dirigeant assure l’administration de l’entreprise placée en sauvegarde.
L’administrateur ne peut avoir pour mission de gérer l’entreprise à la place du débiteur.
Ainsi, ses missions consisteront dans le cadre de la procédure de sauvegarde, en une surveillance (l’administrateur vérifie que les actes accomplis dans le cadre de la gestion de l’entreprise ne sont pas contraires à l’intérêt de l’entreprise ou de ses créanciers), ou de l’assistance (l’administrateur assiste le dirigeant de l’entreprise en difficulté pour tous les actes de gestion ou pour certains d’entre eux).
En outre, à l’issue d’une période d’observation, un plan de sauvegarde est élaboré pour organiser la restructuration de l’entreprise et le règlement de ses dettes sur une période pouvant aller jusqu’à dix ans (articles L. 620-1 et suivants du Code de commerce), là où devant un juge dans le cadre d’une procédure avec un juge vous ayant assigné, vous ne pourriez obtenir qu’un délai de grâce de deux ans.
Durant l’exécution du plan, votre société continuera à exercer normalement son activité.
Néanmoins, s’il apparaît que vous êtes en état de cessation de paiement, il conviendrait de solliciter l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire, laquelle est destinée à permettre la poursuite de l’activité de l’entreprise, le maintien de l’emploi et l’apurement du passif.
Le redressement judiciaire, une mesure curative lors de la survenance de l’état de cessation des paiements (L. 631-1 et suivants du Code de commerce).
Dans la vie d’une entreprise, certains moments difficiles peuvent nécessiter de passer par un redressement judiciaire. Il s’agit d’un passage redouté mais pas forcément insurmontable,
Ainsi, le redressement judiciaire est une procédure curative qui permet de traiter l’état de cessation des paiements d’une entreprise en établissant un plan de remboursement des dettes sur une période maximale de 10 ans.
Dans cette hypothèse, l’entreprise est en état de cessation des paiements, ce qui signifie qu’elle se retrouve dans l’impossibilité de faire face au passif (dettes réclamées par vos co-contractants, dettes sociales, dettes fiscales) exigible avec son actif disponible (les sommes dont l’entreprise peut immédiatement disposer, telles que la trésorerie, les comptes bancaires, les découverts de comptes autorisés).
Néanmoins, le juge considère que le passif à prendre en considération pour caractériser l’état de cessation de paiements est le passif immédiatement exigible, qui n’a pas donné lieu de la part du créancier à un moratoire ou à des facilités de paiement.
Le tribunal ouvrira une période d’observation pendant laquelle l’entreprise poursuivra son activité sous l’assistance des organes de la procédure (administrateur et mandataire judiciaire, le représentant des créanciers), ce qui permettra d’apprécier la situation économique et sociale de la structure.
Ici, le rôle de l’administrateur pourra être de vous assister, et dans des cas beaucoup plus rares, d’assurer la représentation de l’entreprise (l’administrateur peut être chargé d’assurer partiellement ou entièrement l’administration de l’entreprise en difficulté, ce qui emporte dessaisissement total ou partiel du débiteur). Cette assistance permet de bénéficier de l’expertise de professionnels pour maximiser les chances de succès de la réorganisation.
L’objectif d’une procédure de redressement est d’établir un diagnostic sur la situation de la société et d’élaborer un plan de redressement par voie de continuation de l’activité (plan de remboursement des dettes étalé sur 10 ans maximum) ou si nécessaire par voie de cession de tout ou partie de l’entreprise à un tiers.
Elle offre une seconde chance aux entreprises viables de se redresser et d’apurer leur passif. Elle leur offre en outre, une protection non négligeable en raison des règles protectrices au bénéfice de la société identiques à celle de la procédure de sauvegarde :
- arrêt des poursuites individuelles, arrêt du cours des intérêts et des inscriptions : Les créanciers ne peuvent plus engager ou poursuivre des actions en justice pour obtenir le paiement de leurs créances antérieures au jugement d’ouverture. Cette suspension des poursuites individuelles protège l’entreprise contre les actions qui pourraient compromettre sa réorganisation et lui permet de protéger ses actifs contre les créanciers.
- interdiction de règlement des créanciers antérieures : dès l’ouverture de la procédure, le remboursement de la majorité des dettes antérieures est gelé. Cela donne à l’entreprise un “ballon d’oxygène” en suspendant les paiements et en arrêtant les poursuites individuelles des créanciers, ce qui permet de concentrer les ressources sur la réorganisation et la continuation de l’activité.
Toutefois, au plus tôt la société se placera sous une mesure de redressement judiciaire à compter de l’état de cessation des paiements, plus elle aura de chances d’adopter un plan de survie de son activité.
Conclusion
Les procédures préventives et curatives présentées sont essentielles pour éviter l’état de cessation des paiements et les conséquences dramatiques qui en découlent. Les associés et les dirigeants doivent être conscients de ces outils et les utiliser à bon escient pour préserver la santé financière de l’entreprise.
Conscient de l’imminence d’une difficulté qu’il sait insurmontable, un chef d’entreprise peut se mettre sous protection judiciaire sans attendre de subir une cessation de ses paiements (passif exigible plus élevé que l’actif disponible). En toutes hypothèses, dès la survenance de cet état de cessation des paiements, il est conseillé au dirigeant de solliciter rapidement l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire afin de préserver la pérennité de son activité.
Mieux connaître ces procédures, c’est déjà un premier pas pour s’en saisir à temps et éviter les liquidations judiciaires aux conséquences souvent irréversibles.
Le Cabinet LEGALPROTECH-AVOCATS dispose de l’expertise pour vous conseiller et vous diriger vers la procédure qui sera la plus adaptée à la résolution de vos difficultés.
par Anouk Thomar