Vous envisagez de lancer une activité de vente de produits dérivés du chanvre ou du cannabidiol ?
Vous vous interrogez sur la légalité d’une telle activité après tous les rebondissements judicaires et les modifications réglementaires intervenues ces derniers mois ?
Voilà, en résumé, un petit aperçu du cadre légal et de l’actualité sur cette question.
Avant décembre 2021
a- La réglementation française non conforme au droit européen
Le « Cannabidiol » (ou CBD) est la substance, extraite du chanvre, dénuée d’effet enivrant et à laquelle on prête des vertus relaxantes. Le CBD n’est pas considéré comme stupéfiant et est donc considéré comme légal, depuis 2020, contrairement au tétrahydrocannabinol (THC- molécule psychoactive à l’origine de l’ « ivresse cannabique »).
La réglementation européenne ne prévoit aucune restriction quant aux parties de la plante pouvant être utilisées dans le cadre de la culture du chanvre, ni aux utilisations qui en sont faites.
Ainsi, jusqu’à Décembre 2021, contrairement à plusieurs pays européens, la France autorisait uniquement la culture et la commercialisation des fibres et graines de chanvre, à condition que leur teneur en THC soit inférieure à 0,2%. Les produits finis (denrées alimentaires, etc.) devaient donc être dépourvus de toute trace de THC. Ainsi, en pratique, la règlementation interdisait la commercialisation de produits contenant du THC.
En effet, suivant l’article R.5132-86 du Code de la santé publique, applicable à cette période, étaient interdits :
« la production, la fabrication, le transport, l’importation, l’exportation, la détention, l’offre, la cession, l’acquisition ou l’emploi
- du cannabis, de sa plante et de sa résine, des produits qui en contiennent ou de ceux qui sont obtenus à partir du cannabis, de sa plante ou de sa résine ;
- des tétrahydrocannabinols (THC)
L’arrêté du 22 août 1990, jusqu’alors applicable, abrogé en décembre 2021, précisait, en outre, dans son article 1, que seules étaient autorisées, par exception, la culture, l’importation, l’exportation et l’utilisation industrielle et commerciale des variétés de Cannabis sativa L. dont la teneur en delta-9-tétrahydrocannabinol (THC) est inférieure à 0,20 %.
Les tribunaux européens, puis français, sont venus clarifier ces règles, et dissiper une confusion encore un peu présente.
b- Les tribunaux autorisent le CBD et réduisent le champ des interdictions
Le 19 novembre 2020, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), levait l’interdiction de la vente de CBD. En se fondant sur la libre circulation des marchandises au sein de l’Union européenne, elle jugeait illégale l’interdiction en France de la commercialisation du cannabidiol (CBD), en considérant que le cannabidiol « légalement produit dans un autre État membre de l’Union européenne lorsqu’il est extrait de la plante de cannabis sativa dans son intégralité » n’a «pas d’effet psychotrope ni d’effet nocif sur la santé humaine». (CJUE 19 nov. 2020, affaire dite Kanavape B.S. et C.A., aff. C-663/18, D. 2021. 1020 ).
Emboîtant le pas de la CJUE, la Cour de cassation, au niveau national, reprenait également l’argumentation de la juridiction européenne.
Dans le cadre d’une affaire criminelle, qui concernait la décision de fermeture d’un établissement qui commercialisait des produits à base de CBD, les hauts magistrats affirment :
- d’une part, que la commercialisation de produits contenant du cannabidiol ne saurait être interdite en l’absence de preuve que ceux-ci entrent dans la catégorie des stupéfiants ;
- d’autre part, la vente en France de fleurs de cannabis à faible teneur en THC ne constitue pas une infraction à la législation sur les stupéfiants dès lors que celles-ci ont été légalement produites dans un autre État membre de l’Union européenne. (Crim. 15 juin 2021, F-D, n° 18-86.932 )
Les juges du fond observaient ainsi que le CBD n’est inscrit ni sur la liste des substances vénéneuses, ni sur celle des substances stupéfiantes. Par conséquent, en l’absence de présence avérée de THC dans les produits saisis, la fermeture de l’établissement ne pouvait être justifiée.
En outre, la Cour de cassation venait rappeler que la commercialisation du CBD ne peut être interdite dans un État membre de l’UE s’il est produit légalement dans un autre État membre. (Crim. 23 juin 2021, FS-P, n° 20-84.212 ).
La Cour de cassation considérait comme légal, de facto, la commercialisation du CBD.
Face à ces rebondissements judiciaires et l’incertitude dans laquelle elle plaçait encore les exploitants d’activité de commerce de CBD légal, le législateur est intervenu, en modifiant les règles applicables.
Depuis décembre 2021
a- Les nouvelles interdictions : commercialisation et consommation des fleurs
L’arrêté du 30 décembre 2021, abrogeant celui du 22 août 1990, est venu apporter plusieurs modifications aux autorisations et interdictions
Ainsi l’arrêté autorise « la culture, l’importation, l’exportation et l’utilisation industrielles et commerciales » des seules variétés de Cannabis sativa L. dont la teneur en delta-9-tétrahydrocannabinol (THC) est inférieure à 0,30%
Autrement dit, les variétés susvisées contenant un taux de THC inférieur à 0,30% sont considérées comme des produits non stupéfiants et leur culture et leur commercialisation est par conséquent licite.
En outre, l’arrêté apporte plusieurs restrictions et interdictions :
- L’usage des fleurs et des feuilles de cannabis est restreinte : celles-ci ne peuvent être récoltées, importées ou utilisées que pour la production industrielle d’extraits de chanvre même lorsque issues d’une variété de Cannabis Sativa L. dont la teneur en THC est inférieure à 0,30%,
- la vente aux consommateurs de fleurs ou de feuilles brutes sous toutes leurs formes, seules ou en mélange avec d’autres ingrédients, leur détention par les consommateurs et leur consommation est interdite,
- La culture des plantes est encadrée et autorisée uniquement aux agriculteurs actifs au sens de la réglementation européenne et nationale,
- La vente de plants et la pratique du bouturage sont interdites.
La vente de fleurs de CBD correspond à une part importante de l’activité des boutiques spécialisées. Par conséquent, ces nouvelles interdictions de vendre les fleurs aux consommateurs étaient susceptibles d’impacter les commerçants menacés par des réductions d’activité voire des obligations de fermeture.
b- La réaction des acteurs de la filière : les recours judiciaires
En réponse à ces menaces et risques, de nombreux recours ont été initiés par les acteurs de la filière, notamment des référés-suspension auprès du Conseil d’État visant à obtenir, en urgence, la suspension des dispositions de l’arrêté du 30 décembre 2021.
Saisie en référé-suspension, le Conseil d’État a ordonné2 la suspension de l’interdiction de vendre à l’état brut des fleurs et feuilles de CBD. Le juge des référés a estimé qu’il existe un doute sérieux sur la légalité de cette interdiction absolue et générale en raison de son caractère disproportionné et considéré qu’:
« il n’apparaît pas, […] que les fleurs et feuilles de cannabis sativa L. dont la teneur en THC est inférieure à 0,3 % présenteraient un degré de nocivité pour la santé justifiant une mesure d’interdiction totale et absolue […] » (Conseil d’État 24/01/2022 décision N° 460055)
Par cette décision, le Conseil d’état permet à nouveau la culture de la plante de cannabis pour la production de CBD et la commercialisation des fleurs de CBD.
Le Conseil d’État doit également statuer en contentieux sur la légalité de l’arrêté, ce qui laisse entrevoir de nouvelles modifications législatives, dans ce secteur économique encore jeune…
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- https://www.ladepeche.fr/2021/05/26/cbd-la-france-clarifie-la-loi-et-interdit-la-vente-des-fleurs-9566720.php
- https://www.liberation.fr/societe/sante/cbd-le-conseil-detat-invalide-linterdiction-des-fleurs-de-cannabis-20220124_TRQZG5QH25HUXLNNTQVC7IVUME/
Par Samuel DENIN