Influenceurs – Quel cadre juridique ?

L’ère du numérique nous a beaucoup impactés que ce soit dans le monde professionnel ou dans la sphère privée. Ainsi, ont vu le jour de nombreux métiers, dont celui d’influenceur. L’apparition de ces nouveaux métiers s’est accompagnée de nombreux abus et dérives relayés par les réseaux sociaux, dénoncés par des personnalités publiques.

Néanmoins, qu’est-ce qu’un influenceur ?

C’est la loi n° 2023-451 du 9 juin 2023 sur l’encadrement de l’influence commerciale et la lutte contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux qui nous apporte la réponse.

En effet, dans son article premier, elle nous pose la définition suivante :

« Les personnes physiques ou morales qui, à titre onéreux, mobilisent leur notoriété auprès de leur audience pour communiquer au public, par voie électronique, des contenus visant à faire la promotion, directement ou indirectement, de biens, de services ou d’une cause quelconque exercent l’activité d’influence commerciale par voie électronique. ».

Cette loi a permis d’insérer un réel cadre juridique autour du métier d’influenceur, permettant ainsi de lutter contre les dérives et arnaques dont les consommateurs peuvent être victimes. Outre ces nouvelles dispositions légales, il convient de rappeler que ce métier reste soumis à un arsenal de dispositions juridiques comportant des interdictions et des sanctions. Cet article sera également l’occasion de rappeler les autres règles applicables aux influenceurs, ainsi que de faire un aparte sur les enfants influenceurs.

L’encadrement du rôle d’influenceur par la loi n° 2023-451 du 9 juin 2023

La mise en place d’une responsabilité civile de l’influenceur

L’influenceur est responsable de tous les contenus qu’il publie sur les plateformes en ligne. L’article 8 de la loi du 9 juin 2023 sur les influenceurs a introduit notamment une obligation de passer des contrats écrits avec les marques, dans lesquels doivent figurer des clauses obligatoires. Le but étant de définir la responsabilité de chaque partie du contrat envers le consommateur. En outre, la majorité des créateurs de contenus ayant un impact sur un public français se trouvant hors de l’Union européenne, majoritairement à Dubaï, l’article 9 de cette même loi, oblige ces influenceurs à « s’assurer d’une forme de représentation légale sur le territoire de l’Union européenne ».

Pour aller plus loin, les parlementaires, par l’article 8, ont introduit une responsabilité civile solidaire entre l’annonceur et l’influenceur, afin de protéger les consommateurs en cas de dommages causés durant l’exécution de ce contrat. Ces articles révèlent une volonté forte  de protéger les consommateurs face à de possibles dérives ou d’arnaques provenant de ces collaborations.

Le renforcement de la protection des consommateurs de contenus

L’activité d’influence commerciale était déjà encadrée juridiquement. En effet la réglementation s’appliquant à la publicité des produits du tabac et du vapotage, des boissons alcooliques, des médicaments, des dispositifs médicaux ou encore des produits et services financiers s’appliquait déjà à l’activité de promotion publicitaire en ligne.

Par exemple, la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 (article 20) pour la confiance dans l’économie numérique, prévoit que toute publicité, sous quelque forme que ce soit, accessible par un service de communication au public en ligne, doit pouvoir être clairement perçue comme telle et rendre clairement identifiable la personne physique ou morale pour le compte de laquelle elle est réalisée.

La loi du 9 juin 2023 sur les influenceurs vient renforcer ces obligations afin de protéger les consommateurs.  L’article 5 de la loi du 9 juin 2023 introduit un devoir de transparence qui incombe à l’influenceur face à sa communauté : « La promotion de biens, de services ou d’une cause quelconque réalisée par les personnes mentionnées à l’article 1er doit être explicitement indiquée par la mention « Publicité » ou la mention « Collaboration commerciale ». Cette mention est claire, lisible et identifiable sur l’image ou sur la vidéo, sous tous les formats, durant l’intégralité de la promotion ». En effet, il est important pour le consommateur de savoir que cette mise en avant d’une marque n’est pas complètement désintéressée. Cet article crée également de nouvelles obligations d’information que l’influenceur doit respecter : il s’agit de mentionner dans les contenus publicitaires l’utilisation de filtres et de retouches photos. Le but de cette obligation d’information est de prévenir les arnaques dont sont souvent victimes les consommateurs, et pour lesquelles un rappeur français s’était fait l’écho en les dénonçant sur les réseaux sociaux. Pour aller plus loin, les parlementaires ont introduit dans cette loi des règles très détaillées concernant la vente et le dropshipping qui sont souvent des pratiques controversées. Afin de garantir  le respect de ces nouvelles règles, les parlementaires ont introduit dans la loi des influenceurs des restrictions et des sanctions.

L’introduction de restrictions et interdictions

La loi n° 2023-451 sur l’influence commerciale, en son article 3, vient rappeler certaines interdictions et autorisations de publicité résultant du Code de la consommation, du Code de la santé publique, du Code du sport, du Code monétaire et financier, et du règlement n° 1924/2006 relatif aux denrées alimentaires, en les imposant aux influenceurs.

Des restrictions applicables à certaines catégories de produits : par exemple, la promotion du tabac, des produits du tabac ou des médicaments soumis à prescription médicale, interdite par le Code de la santé publique, est également interdite aux influenceurs.

L’influence commerciale en ligne doit respecter les mêmes interdictions ou réglementations de publicité que les autres médias.

Par ailleurs, des interdictions spécifiques à l’influence commerciale en ligne sont instaurées, dans des secteurs particulièrement sensibles.

  • Dans le domaine de la santé: est interdite la publicité des actes, procédés, techniques et méthodes à visée esthétique (prévus par l’article L. 1151-2 du Code de la santé publique), des interventions de chirurgie esthétique (article L. 6322-1 du même code), ainsi que des produits, actes, procédés, techniques ou méthodes, présentés comme comparables, préférables ou substituables à des actes, protocoles ou des prescriptions thérapeutiques.
  • La publicité des produits considérés comme produits de nicotine pouvant être consommés est également interdite.
  • Dans le secteur financier, la promotion des produits financiers risqués (art. 533-12-7 du Code monétaire et financier) est interdite alors que pour d’autres produits comme les actifs numériques ou les offres publiques de jetons, la publicité est soumise à autorisation.
  • La promotion des abonnements à des conseils ou pronostics sportifs est également interdite.
  • Les actes impliquant des animaux n’appartenant pas à la liste des animaux domestiques (C. envir., art. L. 413-1 A) est également interdite.

Les sanctions contre les créateurs de contenus

Pour tout manquement à ces règles, les influenceurs peuvent risquer une peine de 2 ans d’emprisonnement et de fortes amendes pouvant aller jusqu’à 300 000 euros. Cela peut même mener vers une interdiction d’exercer le métier d’influenceur. Outre ces mesures, l’ensemble des sanctions prévues soit par le Code de la consommation, soit par le Code de la sécurité intérieure demeurent applicables. La détermination des parlementaires à protéger les usagers du web les a menés à renforcer les systèmes de contrôles des plateformes sociales en usant par exemple des signaleurs de confiance, c’est-à-dire de privilégier les signalements provenant de personnes connues par les plateformes pour signaler régulièrement les contenus illicites.

Les pouvoirs d’injonction de la DGCCRF (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes) sont également renforcés (article 13 de la loi n° 2023-451) : ainsi les injonctions de mise en conformité prononcées peuvent être assorties d’une astreinte journalière, et d’une mise en demeure de publier la décision d’injonction.

Influenceur : quelles autres règles applicables ?

Les autres obligations / droits applicables au métier d’influenceur

Ainsi, les influenceurs ont pour objectif principal de promouvoir une marque en publiant des contenus promotionnels sur les différentes plateformes sociales. Néanmoins, leurs publications restent soumises au droit d’auteur comme l’énonce l’article L.111-1 du Code de la propriété intellectuelle. En effet, cet article pose automatiquement le principe de la protection du droit d’auteur sur chaque image prise par leur auteur. De ce fait, leur contenu est protégé par la loi.

Cependant, bien que leur contenu soit soumis à ces règles, ils doivent aussi respecter ce droit et faire preuve de prudence avant d’utiliser l’œuvre d’un tiers pour leurs activités promotionnelles sur les réseaux sociaux. Il est donc nécessaire d’obtenir le consentement de l’auteur de toute œuvre avant de pouvoir l’exploiter.

De plus, malgré leur notoriété, les influenceurs disposent aussi d’un droit à l’image. Cela signifie qu’ils ont pleinement le droit d’accepter ou de refuser la publication d’une image ou d’une vidéo de leur image à un tiers. Ces droits sont importants dans ce domaine où le plagiat et le vol de contenus sont souvent présents.

Dans ce domaine de l’influence commerciale en pleine expansion, on trouve de nouveaux acteurs de la société qui étaient jusque-là non-concernés par le monde du travail : il s’agit des enfants.

Le cas particulier des enfants influenceurs

En effet, ce phénomène de plus en plus présent fait surgir de nouvelles problématiques notamment celle du travail forcé sur mineur. Il est vrai que cette pratique peut se révéler très dangereuse. Il s’agit souvent d’exposer son enfant sur les réseaux sociaux en partageant des images et vidéos pour la promotion d’une marque ou d’une entreprise, dans un but lucratif. Néanmoins, il est important de rappeler que la responsabilité de la protection des enfants revient à leurs tuteurs légaux. De ce fait, plusieurs domaines s’entrechoquent : le droit des enfants, le droit du travail, la responsabilité légale… Face à ces questionnements, il devenait urgent de protéger les enfants du monde de l’influence commerciale.

C’est dans ce contexte qu’a été promulguée la loi du 9 octobre 2020 visant à encadrer l’exploitation commerciale de l’image d’enfants de moins de seize ans sur les plateformes en ligne. Cette loi a permis d’introduire un droit des enfants influenceurs de moins de 16 ans afin de garantir leur sécurité et leur santé. Ainsi les enfants “influenceurs” bénéficient depuis cette loi des règles protectrices du Code du travail, au même titre que les enfants mannequins, du spectacle et de la publicité.

Depuis cette loi, il est devenu obligatoire pour le responsable légal de l’enfant de moins de seize ans de recueillir une autorisation individuelle préalable, accordée par l’autorité administrative, en vue d’une diffusion à titre lucratif sur un service de plateforme en ligne par un employeur dont l’activité consiste à réaliser des enregistrements audiovisuels (Article L. 7124-1 du Code du travail).

Si l’activité de l’enfant influenceur ne relève pas d’une relation de travail de type employeur-salarié, les parents doivent consigner une part des revenus de leur enfant influenceur à la Caisse des dépôts et consignations, au-delà d’un certain nombre de vidéos ou de revenus, jusqu’à leur majorité ou leur émancipation

Enfin, les enfants mineurs peuvent directement exercer le droit à l’effacement ou à l’oubli, prévu par la loi Informatique et libertés du 6 janvier 1978, auprès des plateformes de vidéo, et cela sans le consentement des parents.

Ces dispositions sur les enfants influenceurs, seront complétées par des règles supplémentaires s’appliquant à la protection de la vie privée des jeunes publics mineurs. A l’heure de l’écriture des présentes lignes, l’Assemblée nationale examine une proposition de loi visant à garantir le respect du droit à l’image des enfants.

Les dispositions de cette future loi visent à mieux protéger le droit à l’image des enfants sur internet, notamment par l’instauration :

  • D’une obligation des parents de veiller au respect de la vie privée et au droit à l’image de leur enfant, dans le cadre de leur autorité parentale ;
  • De la faculté pour le juge aux affaires familiales d’interdire à un parent de publier ou diffuser toute image de son enfant sans l’accord de l’autre parent ; 
  • D’une obligation commune pour les parents d’associer l’enfant à l’exercice de son droit à l’image, selon son âge et son degré de maturité ;
  • D’une délégation partielle forcée de l’autorité parentale en cas de diffusion de l’image de l’enfant portant gravement atteinte à sa dignité ou à son intégrité morale.
  • D’un élargissement des compétences de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) qui pourrait désormais saisir les juridictions pour demander le blocage d’un site internet en cas d’atteinte aux droits des mineurs. La Cnil est aussi autorisée à « agir en référé à l’encontre des éditeurs de site dès lors que les droits de mineurs sont concernés, sans condition de gravité ou d’immédiateté de l’atteinte ».

Les dispositions de ce projet de loi doivent être adoptées par l’Assemblée nationale et le Sénat en termes identiques, avant d’être promulguées et appliquées.

Vous envisagez de recourir aux services d’un influenceur, et souhaiter encadrer cette relation ? Ou, vous êtes influenceur et souhaitez exercer ce métier conformément aux lois et règlements vigueur ?  LEGALPROTECH AVOCATS pourra vous accompagner, et vous conseiller dans cette démarche

Article co-écrit par Christelle REYNO, Samuel DENIN et Dalhiana PIETRUS