Les mécanismes de protection encadrant la cession des droits sociaux

Une société est un contrat entre une ou plusieurs personnes qui souhaitent réunir des apports afin de générer des bénéfices issus d’une activité commerciale, artisanale, industrielle ou agricole.

Dans le processus de création de la société, il est nécessaire de constituer un capital social. Ce capital correspond à l’ensemble des apports introduit par les associés sous différentes formes :

  • En numéraire
  • En nature
  • En industrie

Le capital social va ainsi générer des parts sociales ou des actions, représentant des titres de propriétés au sein de la société. Cette participation est calculée de façon proportionnelle suivant les apports introduits dans capital social total. De ce fait, les parts sociales et actions peuvent varier selon la quote part de l’investissement des associés dans la société. Ce mécanisme confère à l’associé détenteur de parts ou actions des droits au sein de l’entreprise.

Il est alors nécessaire de rappeler que les termes « parts sociales » et « actions » ne doivent pas être confondu. Leur nature diffère selon la structure de la société. En effet, il existe deux formes de société :

  • Les sociétés de personnes (SNC / SCI / SARL / …)
  • Les sociétés de capitaux (SA / SAS / SCA / …)

Les actions correspondent aux apports générés par les sociétés dites de capitaux. A l’inverse, les parts sociales sont les apports que l’on retrouve dans les sociétés de personnes.

La cession de parts sociales ou d’action correspond donc au transfert de ses titres de propriétés soit à un coassocié, soit à un tiers, personne physique ou morale. Ainsi, la cession de parts sociales ou d’actions consiste pour un associé/actionnaire (le cédant) à transmettre à un acquéreur (le cessionnaire), tout ou partie des droits qu’il détient dans le capital social de l’entreprise. Cette transmission peut prendre la forme d’une vente, d’une donation, d’un héritage ou bien d’un échange.

Il sera donc intéressant dans cet article de comprendre les différents procédés encadrant la cession des apports sociaux. Dans un premier temps, il sera nécessaire d’aborder le protocole de cession à mettre en place pour une sécurité de transfert (I), puis, analyser les opportunités offertes aux associés pour intervenir dans la décision de la cession d’apports (II), et enfin conclure par les obligations légales obligatoirement inscrites sur l’acte de cession (III).

Le protocole de la cession

La cession de parts sociales et d’actions est un acte habituel de la vie économique. Elles représentent des enjeux financiers souvent très importants. C’est pourquoi ces dernières décennies, le législateur est intervenu pour protéger les actes de cession en insérant un protocole de sécurité. Ce protocole est composé généralement d’une promesse de cession (a) ainsi que d’une convention de garantie (b).

La promesse de cession

La promesse de cession de titre, aussi appelée protocole d’accord, est la matérialisation des accords qui viennent d’aboutir entre le cédant et le repreneur. C’est l’acte juridique le plus important de la reprise.

Dans la rédaction du protocole, un premier élément à prendre en compte est la question de l’identité des parties et de la capacité. En effet, le cédant doit nécessairement être majeur ou être un mineur émancipé afin de répondre à la condition d’aptitude à détenir des droits et pouvoir les exercer. En outre, il est primordial de constater le consentement de chaque partie à la cession. Conformément au droit commun des contrats, le consentement doit être donné en toute connaissance de cause et librement. A défaut, l’absence ou le vice du consentement peut entraîner la nullité de la cession, en vertu de l’article 1131 du code civil.

Il convient également de prendre en compte la problématique du régime matrimonial. Lorsque les parts sociales ou actions à céder sont des biens communs, le conjoint doit donner son consentement à la cession ou à l’acquisition en justifiant avoir été informé de l’acte de vente.  Il faut savoir être attentif aux actes réalisés par le conjoint dans l’exercice de sa fonction d’actionnaire ou associé, principalement lorsqu’un contrat de mariage a été conclu en amont. La cession d’apport devient alors une décision commune.

Le deuxième point à considérer est celui l’objet de la cession. Comme tout contrat, les parties doivent s’entendre précisément sur l’objet de la cession, à savoir des titres de cession. Ces titres doivent être identifiés, nommés, et précisément calculés.

Il est vrai que le prix occupe une place dominante dans le jeu des négociations de la cession. En application des dispositions de l’article 1591 du Code civil, le prix doit être déterminé dès la formation du contrat. En pratique, le prix est fixé de manière forfaitaire et en deux fois. La justification réside dans le fait que soit, à la date de l’accord, la situation comptable de la société n’est pas connue, donc un prix provisoire est alors déterminé en fonction du dernier bilan établi et le prix définitif sera fixé par référence à une situation intermédiaire spécialement établie à la date de la cession ; soit parce que le paiement du prix est échelonné et que le contrat prévoit le paiement d’un complément de prix calculé suivant l’évolution de certains paramètres du développement de la société.

Annexé au protocole d’accord, il existe une convention de garantie permettant de justifier le passif et l’actif de la cession de parts.

La convention de garantie

La terminologie « garantie de passif » est celle employée dans le langage courant. Il y a lieu de distinguer la garantie de passif et d’actif et la garantie de passif et d’actif avec révision du prix.

La convention de garantie n’est pas obligatoire. Elle résulte de la négociation des parties et est modulable au cas par cas. La garantie de passif est un ensemble de déclarations faites par le cédant pour justifier d’aucune tromperie dans la réalité économique de la cession.

Concernant la garantie d’actif, il est important de prendre en compte notamment la question des créances et des stocks. Pour le cessionnaire, il s’agit de vérifier que les créances sont bien nées, qu’elles sont exigibles et liquides, ou qu’elles ont été suffisamment provisionnées. S’agissant des stocks, il est également possible de dresser un inventaire et rédiger un procès-verbal signé par les deux parties.

En pratique, les actifs ont souvent un intérêt financier stratégique pour l’entreprise, le cédant doit pouvoir en attester être le propriétaire. L’existence de droits de propriété intellectuelle est également importante car il convient de s’assurer que le cédant est propriétaire des titres cédés.

Dans l’hypothèse d’une clause de garantie de passif simple, la garantie ne couvre que le passif (en pratique, la convention de garantie assure le passif et l’actif). Dans ce cas, le cédant prend l’engagement de régler les dettes de la société, ou certaines d’entre elles qui existaient au moment de la cession. Ce sera le cas généralement du passif fiscal, ou social notifié à l’issue d’un contrôle fiscal, ou d’un contrôle URSSAF.

Il est également courant que le vendeur exige une garantie de la garantie. Cette situation est tout à fait légitime. En effet, en cas de mise en œuvre de cette garantie, l’acheteur doit donc pouvoir se protéger en cas d’insolvabilité du cédant, ce qui l’empêchera de faire exécuter la garantie. Il s’agit là encore d’une sécurité supplémentaire pour le cessionnaire de se faire payer faisant suite à la cession.

Pour terminer, il est important de préciser qu’afin de favoriser une optimisation fiscale, il est préconisé une transformation de la SARL en SAS. En effet, en cas de cession de parts sociales d’une SARL, l’acquéreur paie des droits d’enregistrement sur le montant de l’achat égal à 3 %, avec un abattement. Alors que pour la cession d’actions de SAS, les droits d’enregistrement ne s’élèvent qu’à 0,1 % du prix de vente. Il est donc intéressant de stipuler comme condition suspensive à l’acquisition, la transformation de la Société SARL en société par actions.

En définitive, les problématiques relatives à la cession des droits sociaux sont multiples, et ne peuvent pas être toutes encadré par un protocole de cession, c’est pourquoi des clauses statutaires peuvent prévoir le mécanisme à respecter lors d’une cession.

L’encadrement du processus de cession

En principe, les parts sociales peuvent être librement cédées, transmises ou nanties.

Mais en gage de garantie, le mécanisme de cession a été encadré par le Code commerce et le Code civil, qui renvoient en partie à l’écriture des statuts de la société. Les statuts d’une société présentent les règles générales de fonctionnement et de clôture.  C’est au sein de ses statuts qu’il est particulièrement conseillé de prévoir le processus de transferts des parts sociales et actions.

De ce fait, il est possible de trouver de nombreuse façon de céder les parts sociales d’une société, notamment par l’insertion de clauses permettant le conditionnement de la cession. Nous allons en découvrir quelques-unes.

La clause d’agrément

Dans les sociétés par actions, les associés ont le choix d’inclure ou non une clause d’agrément dans les statuts de la société. A contrario, dans les sociétés de personnes ou les sociétés civiles, la procédure d’agrément est obligatoire.

La cession de parts sociales ne peut avoir lieu que si le cessionnaire est agréé par les associés de l’entreprise. Pour cela, le cédant doit notifier, par lettre recommandé avec avis de réception ou par acte d’huissier, son projet de cession aux associés.

Le gérant de la société doit ensuite convoquer tous les associés à une assemblée générale. C’est lors de cette assemblée qu’ils votent l’agrément du cessionnaire.

En cas de refus, les associés ont généralement trois mois pour proposer une solution au cédant comme lui soumettre un nouvel acheteur ou bien demander à racheter les parts eux-mêmes.

Par exception, au sein d’une SARL, les parts sociales sont librement cessibles entre associés, entre conjoints et entre descendants et ascendants (article L223-13 du code de commerce). L’agrément n’est en réalité requis que si le cessionnaire est un tiers, à la majorité simple des voix représentant au moins la moitié des parts sociales (article L223-14 du code de commerce).

La clause de préemption

La clause de préemption est souvent considérée comme étant très importante pour la pérennité de l’entreprise. Cette clause oblige l’associé cédant à proposer en priorité aux autres associés de racheter ses titres avant d’en proposer la cession à des tiers.

Cet accord évite que des actions ne soient cédées à un investisseur tiers ou à un concurrent. L’objectif étant que l’entreprise conserve les mêmes associés et limite l’entrée de personnes externes dans les prises de décision.

Au moment de céder ses actions l’associé doit en informer les autres en utilisant les moyens prévus dans les statuts ou le pacte. Ces derniers peuvent alors utiliser leur droit de préemption sur la base du nombre d’actions et du prix indiqués dans la notification. Si plusieurs associés se manifestent pour le rachat, il est usuel que les actions soient partagées en proportion de celles qu’ils détiennent déjà respectivement.

Si les associés restent silencieux pendant ce délai, l’agrément est alors réputé donné, nonobstant leur refus initial. Des lors, le cédant peut se tourner vers la personne tierce de son choix

D’une manière générale, l’accord de tous les associés est nécessaire que l’acheteur soit un tiers, un associé, un descendant, un ascendant ou le conjoint de l’associé cédant.

La clause d’inaliénabilité

La clause d’inaliénabilité interdit aux actionnaires de céder leurs actions pendant une période déterminée. Le délai maximum appliqué est de 10 ans pour les SAS (article L.227-13 du code de commerce) ou d’une durée raisonnable dans les autres formes de sociétés. Cette clause peut figurer dans le pacte d’actionnaires et ne concerner que les associés signataires du pacte. Cette clause est conditionnée à la constatation d’un intérêt sérieux et légitime tel que le précise l’article 900-1 du code civil.

La clause d’inaliénabilité a pour objectif de conserver intact le groupe initiateur du projet entrepreneurial, et de limiter les influences extérieures, comme cela est précisément le cas d’une clause de préemption. Il est institué en pratique d’insérer ces deux types de clause dans le contrat puisqu’elles permettent une sécurité accrue.

L’acte de cession

Le contrat de cession doit être rédigé soit par acte authentique soit par acte sous seing privé. Il doit y avoir autant d’exemplaires que de parties au contrat. Et chacun des exemplaires doit être signé par les parties.

L’acte doit contenir un certain nombre mentions obligatoires pour être valable :

  • Le nom des parties (cédant et cessionnaire) ;
  • La désignation et le nombre des parts cédées ;
  • L’identité de la société (dénomination sociale, numéro d’immatriculation au RCS, adresse de son siège social…) ;
  • Le prix de la cession et les modalités de paiement ;
  • La mention de l’agrément.

Si l’une de ces mentions n’est pas inscrite dans l’acte de cession alors la cession est nulle suivant les articles 1178 et suivant du code civil. On peut définir la nullité comme la sanction judiciaire d’un manquement à l’une des conditions de validité du contrat. Par exemple, un contrat est nul si le consentement donné par l’une des parties a été vicié par dol. La nullité consiste donc en l’anéantissement rétroactif du contrat : on fait comme s’il n’avait jamais existé.

En conclusion, la mise en place d’une cession de droits sociaux est un mécanisme complexe et rigoureux qu’il est nécessaire d’étudier en amont. Une multitude de procédés ont été élaborés permettant de sécuriser la transaction mais surtout prévoir les formalités à accomplir afin d’éviter tout conflit d’intérêt ou déséquilibre économique.              

A cet égard, l’accompagnement d’un expert juridique est indispensable. Le cabinet LEGAL PROTECH propose en ce sens des conseils personnalisés en droit des sociétés. N’hésitez pas à nous consulter afin d’élaborer, ensemble, le schéma adapté à votre situation entrepreneuriale.

Par Marwan ESCOULAN
Juriste en droit des sociétés chez LEGAL PROTECH